Rideau
Un jour toutes les histoires doivent s'arrêter
- Tu es sûre, ça doit s'arrêter ?
Ben oui, elles arrivent au bout. Il y a plusieurs types d'histoires, il y a les très longues qui durent toute la vie, il y a les plus courtes, elles ne peuvent pas durer, c'est comme ça.
Donc voilà, c'était une toute petite histoire, une petite histoire de 30 ans bien assez petite pour qu'on l'oublie du jour au lendemain, d'autant plus petite que j'ai cru qu'elle serait immense, une histoire ridicule tant elle est encore plus petite que prévue. On ne se connaîtra jamais ni adultes ni casées ni organisées. Jamais je rentrerai chez moi le dimanche soir avec mon mec après un week end chez elle avec le sien, ou l'inverse.
Les trucs de la vie normale.
En même temps on s'était rien promis, enfin moi si. J'ai tenu ma promesse, toutes mes promesses, j'avais promis que rien ne nous séparerai, que je serais toujours là pour elle... mais parfois c'est pas assez. Parfois on croit qu'on connait les gens et on ne les connaît pas en fait. On croit qu'on les aime mais eux le vivent pas du tout comme de l'amour, on ne croit que des conneries, tout le temps on croit je sais pas quoi, je sais pas ce que j'ai cru
- Alors on s'arrête là ?
Oui. Oui, on s'arrête, on arrête. On arrête tout stop, on remballe on efface on annule. J'ai jeté toutes les photos, j'ai benné tout ses cadeaux, tout ce qui parle d'elle à la trappe, comme moi, comme moi elle m'a foutue à la trappe.
L'autre jour je me suis souvenue qu'une fois pendant une dispute, elle devait avoir 12 ans pas plus, elle m'a dit que j'étais tout ce qu'elle n'aimait pas, qu'elle détestait être ma soeur et que si j'avais pas été sa soeur elle aurait même pas voulu de moi comme copine.
J'ai eu l'impression d'un seul coup d'être un genre drag queen de toutes les couleurs, déformée, tordue, 2 mètres de haut, 100 kilos, 15 tonnes de maquillage qui déborde de toutes ses fringues ou alors comme les clowns qui jaillissent des boîtes ... ils ressemblent à rien, ils font du bruit et c'est tout.
J'avais oublié, j'aurais du faire attention, l'écouter, la croire surtout. Lui demander pourquoi elle disait ça, qui j'étais pour elle de si insupportable pour qu'elle se sente comme ça en face de moi. J'ai cru à la colère, au fait qu'elle était petite et moi comme j'étais la grande je devais pardonner. C'est comme ça qu'on a été elevée, on n'en a jamais reparlé, j'ai oublié.
Maintenant je me dis que sa vie a du être un cauchemar, un vrai chemin de croix, à simuler tout le temps que tout va bien, je suis heureuse, je suis contente de te voir mais oui viens chez moi, oui je viens chez toi. Oui je fais comme on me dit qu'il faut faire pour avoir l'air de quelqu'un de bien.
L'horreur.
Moi j'étais heureuse, d'elle, de passer du temps avec elle, l'ultime preuve s'il en faut que je n'ai jamais vraiment fait attention à elle, à ce qu'elle voulait vraiment, à ce dont elle avait besoin est là. Je n'ai pas fait attention à cette déclaration lapidaire, je ne l'ai pas prise au sérieux.
- Alors c'est sûr ? on arrête...?
Oui.
On dit salut et on passe à autre chose.
